Des maths (mais pas seulement) pour mes élèves (et les autres).

dimanche 26 juin 2016

La géométrie gaudienne

Guarini a écrit, en 1737 : 
Architecture, although it depends on Mathematics, nevertheless it is a flattering Art, that by no means wants to be distasteful: even if many of its rules follow the dictates [of Mathematics], when its observed demonstrations result to be offensive for the sight, it changes them, abandons them and eventually contradicts the same; so that, to know what an Architect should observe, it will not be unfruitful to see the real scope of Architecture, as well as its way of proceeding”.

ce que mon fils a bien voulu traduire en :

L'architecture, bien qu'elle dépende des mathématiques, est toutefois un Art flatteur, qui ne peut en aucun cas être déplaisant: même si de nombreuses règles suivent les préceptes des Mathématiques, quand le résultat semble grossier, elle les change, les abandonne, ou même les contredit; ainsi, pour savoir ce qu'un Architecte doit observer, il ne sera pas infructueux de voir le but de l'Architecte, ainsi que sa manière d'opérer."


Cette citation s'applique à merveille à Gaudí  pour ce que je peux comprendre du monsieur. Je l'ai découvert récemment, grâce à la prestation d'un élève en histoire des arts. Un élève passionné et passionnant, qui m'a donné envie, à moi qui ne suis pas au fait d'architecture ni de culture espagnole (excepté ce qui se mange, quand même), d'approfondir le sujet. Et maintenant, j'ai très envie d'aller en Espagne et d'aller voir tout ça en vrai...

Le rapport avec les maths est apparu lorsque le candidat en histoire des arts a expliqué que "Gaudi détestait les angles droits : dans la nature il n'y en a pas, ça n'existe pas." Et paf, dans votre tête, les angles droits, ahahaaa.
Hélicoïde
Gaudí et les maths, c'est toute une histoire, mais naturelle, sans formalisme. Gaudí a pris dans les maths ce dont il avait besoin. Rien que sur Wikipedia, on peut lire que Gaudí a étudié les formes organiques et géométriques de la nature (les joncs, les roseaux, les os), pour pouvoir refléter ces formes dans l'architecture. Cette étude l'a mené à des "formes géométriques réglées" (des formes générées par une droite nommée génératrice, lorsqu'elle se déplace sur une ou plusieurs lignes directrices) comme la paraboloïde hyperbolique, l'hyperboloïde, l'hélicoïde et le conoïde. Il disait : « Les paraboloïdes, hyperboloïdes et hélicoïdes, variant constamment l'incidence de la lumière, ont une richesse de nuances qui leur est propre, qui rend l'ornementation, et même le modelage superflus ». C'est sûr que ça fait plus envie que mes cours de licence. Il disait aussi : "L'art gothique est imparfait ; il n'en est qu'à la moitié de la solution ; c'est le style du compas, de la formule de la répétition industrielle."

Hyperboloïde
Gaudí s'est aussi beaucoup appuyé sur les propriétés de la courbe que l'on appelle "chaînette",  formée par une chaîne qu'on la laisse pendre en la tenant par ses deux extrémités . Ses propriétés mathématiques et physiques (qu'il a découvertes empiriquement) ont permis à Gaudí de concevoir ses colonnes de soutien comme de très minces troncs et d'alléger ses structures, de se donner des degrés de liberté supplémentaires.

L'un de ses biographes, Juan Bassegoda Nonell, dit: "Il s'était aperçu que les architectes n'utilisaient que des formes qu'ils ont pu dessiner auparavant avec deux instruments : l'équerre et le compas. Au cours de toute l'histoire de l'architecture les formes des édifices ont été créées à partir de ces deux basiques qui permettent de dessiner des cercles, des triangles, des carrés ou des rectangles, qui dans l'espace se convertissent en prismes, pyramides, cylindres et sphères, qui donnent lieu aux piliers, aux toitures, aux colonnes et aux coupoles... Il vit clairement que ces formes géométriques simples ne se trouvent pratiquement jamais dans la nature, qui, d'autre part, construit d'excellentes structures, accréditées par de larges siècles d'efficacité. La structure d'un arbre est d'une perfection rare, bien plus complexe et plus aboutie que les structures créées par les architectes ."

Paraboloïde hyperbolique
Gaudí a conçu la Sagrada Família comme si la structure était celle d'une forêt, avec un ensemble de colonnes arborescentes divisées en plusieurs branches pour soutenir une structure de voûtes d'hyperboloïdes entrelacées, avec des colonnes hélicoïdale à double hélice, comme dans les branches et les troncs d'arbres, aboutissant à une structure évoquant les fractales. 

Paraboloïde de révolution
Gaudí était réticent à dessiner des plans. Lorsqu'il était pressé de le faire il réalisait des croquis, mais il semble qu'il ait eu une vision mentale spatiale singulière, qui lui permettait de concevoir ses projets architecturaux trois dimensions, et non en ramenant tout à des coupes en deux dimensions. Il préférait travailler sur des moulages et des maquettes, allant parfois jusqu'à improviser sur le terrain à mesure que l'œuvre avançait. Une maquette restée célèbre est celle de l'église de la Colonia Güell : il avait construit une maquette à grande échelle (1:10), de quatre mètres de haut, où il avait installé un montage de ficelles et de petits sacs remplis de plombs pour voir se former les courbes des arcs et des voûtes. Il en avait fait une photographie qui, une fois inversée, donnait la structure des colonnes et arcs qu'il cherchait.

« La ligne droite appartient aux hommes, la courbe à Dieu », disait-il. Et Gaudí voulait se rapprocher de Dieu. Il est en bonne voie : déclaré Serviteur de Dieu par l'Église catholique romaine, son procès en béatification est en cours.

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